Décès de Georgette ELGEY
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Article N°23275

Décès de Georgette ELGEY

L’historienne Georgette ELGEY, l’une des plus grandes spécialistes de la IVe République, qui tint également la chronique encore secrète des deux septennats de François MITTERRAND, s’est éteinte aujourd’hui.

Débutant sa carrière à l’aube des années 1950 comme journaliste, elle prouva précocement sa clairvoyance lorsqu’elle prédit en février 1958 le retour prochain en politique du Général de GAULLE, auquel peu de gens croyaient alors.

Après une décennie de presse, elle se tourna vers l’édition, en rejoignant Fayard, dont elle a enrichi le catalogue pendant plus de vingt ans en publiant des œuvres littéraires et historiques de référence.
 
C’est au début des années 1960 qu’elle entreprit d’écrire l’histoire de la IVe République, un projet qui l’intéressait mais qui lui apparut bientôt pour ce qu’il était : un défi titanesque. En s’y plongeant, elle découvrit progressivement l’ampleur de la tâche, la difficulté d’absorber l’intarissable flot de sources qui venait continuellement irriguer l’ouvrage, au point qu’elle craignit un temps qu’il ne l’engloutisse. Tenant bon, elle édifia peu à peu, page à page, une histoire exhaustive de ces douze années tumultueuses de la politique française. Véritable magnum opus, cette fresque monumentale se décline en 3 parties et 6 volumes. Du premier tome, sorti en 1965, au dernier, publié en 2012, près d’un demi-siècle de recherches et d’écriture s’étaient écoulées. Ce qui devait être un travail circonscrit était devenu l’œuvre d’une vie.

Il faut aussi en mesurer l’audace car, à l’époque, écrire l’histoire d’un temps encore si présent n’allait pas de soi. Le champ légitime des historiens, c’était un temps passé à tout le moins de 50 ans, délai au terme duquel les archives s’ouvrent à eux. Or au début des années 60, les documents de la IVe République n’étaient pas encore des archives publiques, consultables et mobilisables. Ecrire sur cette période nécessitait d’interroger ses acteurs, de recueillir leur mémoire vive des événements, et de consulter leurs documents privés. Et c’est la grande force de cet ouvrage que d’avoir livré une histoire à hauteur d’hommes, qui tient moins du travail académique que de la chronique et de l’enquête. Georgette ELGEY aura ainsi renversé deux préceptes de la discipline : la prescription de la distance historique et la proscription des sources orales, qu’elle a élevées à la dignité de matière première pour l’écriture de l’histoire.
Surtout, son étude a largement nuancé la légende noire de la IVe République, en montrant comment ce régime, alors qu’il héritait d’un pays divisé et ruiné au sortir de la guerre, permit à la France de se redresser et de se moderniser comme jamais auparavant, tout en posant les premières pierres de la réconciliation franco-allemande et de la construction européenne.

Historienne du passé proche, Georgette ELGEY, s’était aussi faite la greffière du présent en devenant l’historienne attitrée du Président François MITTERRAND. En 1982, l’hôte de l’Elysée l’avait fait venir à ses côtés pour recueillir sur le vif, au fil des jours, la parole vivante des principaux acteurs de sa politique afin d’ajouter aux futures archives de sa présidence les témoignages oraux des plus hauts responsables de l’État. C’est ainsi que, de 1982 à 1996, Georgette ELGEY a consigné l’histoire de deux septennats, constituant pour la postérité les archives d’une histoire en train de se faire. Et elle puisa dans ces sources qu’elle avait elle-même constituées, la matière d’une chronique de l’ère mitterrandienne qu’elle se refusait à publier de son vivant mais que nous pourrons peut-être découvrir bientôt.

Au début des années 2000, Georgette ELGEY mena encore un long combat pour donner un avenir à notre mémoire : c’est grâce à sa détermination que l’immense centre de conservation et de consultation des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, l’un des plus vastes au monde, a ouvert ses portes en 2013.
           
Ecrivaine, elle avait aussi écrit des histoires et surtout son histoire, même si la grande histoire y faisait toujours irruption. Dans La Fenêtre ouverte, elle racontait ainsi ses années d’enfance sous l’Occupation et comment, après avoir échappé à la déportation, elle ne pouvait plus dormir que la fenêtre ouverte afin de pouvoir échapper aux Allemands s’ils venaient à entrer dans sa chambre.

Le Président de la République salue la mémoire de cet immense témoin du XXe siècle, qui a porté sur son temps un regard qui nous a beaucoup appris et qui n’a pas encore livré tous ses savoirs et ses secrets. Il adresse ses condoléances à ses proches et à tous ceux qui ont mieux compris l’histoire de notre pays à la lecture de Georgette ELGEY.

Source SERVICE DE PRESSE ET VEILLE DE LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

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